Formule 1: Arrivederci Mattia

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Formule 1Commentaire: Arrivederci Mattia

La rumeur couvait depuis quelques semaines. Ce matin, Mattia Binotto a annoncé sa démission de la direction de Ferrari. Au suivant?

par
Luc Domenjoz
Mattia Binotto quitte Ferrari après 28 ans.

Mattia Binotto quitte Ferrari après 28 ans.

AFP

Tous les tifosi du monde le savent: Ferrari n’est pas une écurie de Formule 1 comme les autres.

C’est une institution, un monument, une légende. Mais aussi un théâtre. Une tragédie… et parfois même une comédie. C’est surtout une immense installation à Maranello, près de Bologne, avec piste d’essais privée, soufflerie ultra-moderne, usines à perte de vue et musée. C’est toute la magie et les travers de l’Italie résumés en une prestigieuse et légendaire Scuderia.

Chez Ferrari, rien n’est simple. Tout est infiniment plus discuté, dans des réunions sans fin où le bon sens se perd en invectives. Pas facile, évidemment, de diriger une telle légende. Depuis la disparition du Commendatore Enzo Ferrari, tous ceux qui ont essayé s’y sont cassé les dents.

La succession difficile de Jean Todt

Lorsque Alain Prost a piloté pour l’écurie, en 1990 et 1991, la Scuderia a probablement atteint le comble du bazar. Le champion français a réussi à faire virer le patron de l’époque, Cesare Fiorio, avant d’être lui-même remercié avant la fin de la saison 1991.

Puis Jean Todt est arrivé, en 1993, pour mettre de l’ordre dans ce casino. Le Français y est parvenu, à grands frais et en embauchant des pointures de la concurrence, Ross Brawn aux manettes techniques et Michael Schumacher au volant.

Quand Jean Todt fut écarté, fin 2006, la descente aux enfers a repris. Stefano Domenicali, un homme remarquable issu de l’équipe, a d’abord tenu la maison avant de démissionner en avril 2014 - le nouveau moteur hybride de Ferrari s’avérant totalement raté.

Patron des ventes de Ferrari aux USA, Marco Mattiacci, un commercial, est alors appelé pour le remplacer. Nouveau désastre, Ferrari ne gagne aucune course pour la première fois depuis plus de vingt ans.

Marco Mattiacci est donc remercié et remplacé par Maurizio Arrivabene, un ancien patron de Philip Morris. Qui tient quatre ans. Pas mal vu son pedigree. En janvier 2019, il est remplacé par le directeur technique de l’époque, Mattia Binotto, un ingénieur né à Lausanne et qui a étudié à l’EPFL.

Première année mouvementée pour Binotto

2019, c’est l’année où les Ferrari dominent enfin la F1 en deuxième partie de saison. Sauf qu’on apprendra au cours de l’hiver suivant que la Scuderia a été prise les mains dans le pot de confiture - décidée sous la direction technique de Mattia Binotto, une tricherie complexe qui permettait au V6 Ferrari de contourner la limite de débit maximal d’essence, et ainsi d’obtenir une meilleure puissance.

Une tricherie qui aurait surtout dû entraîner la disqualification de l’écurie pour l’année 2019 si Ferrari n’était parvenu à conclure un «accord secret» avec la Fédération Internationale de l’Automobile (la FIA) évitant un tel opprobre. Par contre, Ferrari a dû démonter son système illégal pour la saison 2020. Avec un déficit de plus de 50 chevaux sur les moteurs concurrents, la Scuderia a alors connu sa pire saison en 40 ans.

En 2021, à peine mieux. Mattia Binotto mise alors tout sur 2022 et les nouveaux règlements aérodynamiques. Et en effet, la «F1-75» s’avère bien née, elle se pose comme la meilleure monoplace (avec la Red Bull), et elle domine la première moitié de saison.

Erreurs en cascade

Sauf qu’une nouvelle fois, Ferrari se prend les pieds dans le tapis, empilant les erreurs de stratégies qui lui font perdre des Grands Prix qu’elle devait gagner, comme à Monaco ou à Budapest.

Sur l’ensemble de la saison, Max Verstappen et sa Red Bull auraient été difficiles à battre cette année, mais les bévues parfois grossières commises par les stratèges de Ferrari ont ouvert un boulevard de facilité au champion du monde.

Mattia Binotto aurait sans doute dû intervenir et changer son équipe de tacticiens à la première boulette. Cette saison, pourtant, chaque soir de défaite, il leur renouvelait sa confiance, répétant qu’ils allaient «apprendre de l’erreur» et s’améliorer. Ce n’était, non plus, jamais de sa faute.

Un tel déni ne pouvait plus le maintenir à la tête de l’écurie. Mattia Binotto a donc démissionné ce matin. Bilan: il a résisté près de quatre ans à la tête de Ferrari, avec une seule saison de bons résultats, mais en trichant! Le reste ne fut que descente aux enfers. Le Lausannois n’était peut-être pas à la hauteur, mais qui pourrait réussir une tâche impossible?

Il est probable que la Scuderia nomme prochainement Frédéric Vasseur à sa place. Pour un patron d’écurie, il est difficile de résister à l’appel de Maranello, surtout que l’écurie Sauber sera reprise par Audi dans les années, voir les mois à venir, et que le poste du Français à Hinwil (ZH) changera donc bientôt de mains.

Pour Sauber, le départ de Frédéric Vasseur serait une vraie perte. Et pour l’intéressé, diriger Ferrari représente un poste bien plus risqué et difficile. Un risque qui se tente, bien sûr. Mais combien de temps tiendra-t-il avant d’être remercié à son tour?























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