DiplomatieÀ l’ONU, la crainte des divisions face à une avalanche de crises
Les dirigeants des pays du monde réunis pour la 77e assemblée générale de l’ONU ont mis en garde contre les nombreuses crises que connaît actuellement la planète.

Les tensions provoquées par la guerre en Ukraine font écho au ressentiment Nord-Sud dans la lutte contre le changement climatique.
AFP«Fractures», monde «paralysé», besoin de «solidarité»: les dirigeants qui se sont succédé mardi à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU ont mis en garde contre les divisions dangereuses d’un monde qui subit déjà un amoncellement de crises, de la guerre en Ukraine au réchauffement.
«La crise du pouvoir d’achat se déchaîne, la confiance s’effrite, les inégalités explosent, notre planète brûle» et malgré tout, «nous sommes bloqués par un dysfonctionnement mondial colossal», a déploré le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres en ouvrant cette semaine de haut niveau de l’Assemblée générale, qui a repris en personne après deux années marquées par le Covid-19. «Ces crises menacent l’avenir même de l’humanité et le destin de la planète», a-t-il estimé. «Ne nous berçons pas d’illusion (…) Un hiver de grogne mondiale se profile à l’horizon.»
Parmi les dangers qui menacent le monde évoqués par le secrétaire général, l’invasion de l’Ukraine par la Russie, au cœur de cette semaine diplomatique de haut niveau. Avec notamment une intervention mercredi du président ukrainien Volodymyr Zelensky -- par vidéo grâce à une autorisation spéciale votée la semaine dernière par les États membres -- et un Conseil de sécurité jeudi au niveau des ministres des Affaires étrangères.
Dernier développement dans ce conflit, les autorités installées par Moscou dans quatre régions d’Ukraine ont annoncé mardi la tenue en urgence, du 23 au 27 septembre, de «référendums» d’annexion par la Russie. Des «référendums fictifs» qui ne sont pas acceptables, a dénoncé le chancelier allemand Olaf Scholz. Une «parodie» pour le président français Emmanuel Macron.
Mais les pays du Sud s’agacent de plus en plus du fait que les Occidentaux focalisent leur attention sur l’Ukraine. Alors Américains et Européens ont notamment appelé à faire plus pour la sécurité alimentaire, conséquence de cette guerre dont souffre toute la planète et en particulier les pays les plus pauvres.
Pas «l’Ouest contre le reste»
L’heure n’est pas «à l’opposition de l’Ouest contre le reste», a de son côté martelé le chef de l’État français. «Il ne s’agit pas ici de choisir un camp entre l’Est et l’Ouest, ni entre le Nord et le Sud, il s’agit de la responsabilité de tous ceux qui sont attachés (…) à notre bien le plus précieux, la paix», a-t-il ajouté, accusant frontalement la Russie d’être responsable d’un «retour des impérialismes et des colonialismes».
«Ne nous résignons pas à la fracturation du monde et à la montée des menaces à la paix», a-t-il insisté lors d’un discours parfois enflammé à la tribune. «Le seul moyen d’apporter une lueur d’espoir dans ce sombre tableau auquel fait face l’humanité est de renforcer la coopération et la solidarité internationales dans une approche juste», a de son côté plaidé le président turc Recep Tayyip Erdogan.
Une urgence à «agir ensemble» soulignée également par le chef de l’État sénégalais Macky Sall, qui préside l’Union africaine. «Je suis venu dire que l’Afrique a assez subi le fardeau de l’Histoire, qu’elle ne veut pas être le foyer d’une nouvelle guerre froide», a-t-il ajouté.
Les tensions provoquées par la guerre en Ukraine font écho au ressentiment Nord-Sud dans la lutte contre le changement climatique.
Les pays pauvres, en première ligne des impacts dévastateurs d’un réchauffement dont ils ne sont pas responsables, se battent notamment pour que les pays riches tiennent enfin leurs promesses d’aide financière.
Une «guerre suicidaire»
«Il est grand temps de dépasser ces discussions sans fin», a lancé Antonio Guterres. S’en prenant aux grandes entreprises productrices d’énergies fossiles qui «se régalent» de profits gonflés par la guerre en Ukraine, il a d’ailleurs appelé les pays riches à taxer ces profits pour les «rediriger» en partie vers les pays subissant des «pertes et dommages» en raison des impacts dévastateurs du changement climatique et vers les populations subissant l’inflation.
À deux mois de la conférence sur le climat de l’ONU COP27 en Égypte, «l’action climatique est passée au second plan» des autres crises, a-t-il également dénoncé, appelant à mettre fin à «notre guerre suicidaire contre la nature». En raison des funérailles de la reine Elizabeth II lundi, le déroulé de la semaine a été perturbé. Le président américain Joe Biden a ainsi décalé son discours à mercredi, alors que les États-Unis, pays hôte du siège des Nations Unies, s’expriment traditionnellement dans les premiers.
Autre sujet de préoccupation de la communauté internationale, le programme nucléaire de l’Iran, dont le président Ebrahim Raïssi est également à New York pour sa première Assemblée générale. «La balle est maintenant dans le camp de l’Iran», a insisté Emmanuel Macron après une longue rencontre avec son homologue iranien alors que des négociations sont en cours pour redonner vie à l’accord nucléaire de 2015 censé empêcher Téhéran de se doter de la bombe atomique.
Des dissidents iraniens ont eux annoncé le dépôt d’une action en justice à New York contre Ebrahim Raïssi pour son rôle de juge pendant la révolution lors de laquelle des milliers de personnes ont été condamnées à mort.
Le président de la RDC accuse le Rwanda d’«agression» armée
«En dépit de ma bonne volonté et de la main tendue du peuple congolais pour la paix, certains de nos voisins n’ont trouvé mieux que de nous remercier par l’agression et le soutien des groupes armés terroristes qui ravagent l’est de la République démocratique du Congo», a lancé le président Tshisekedi depuis la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies.
«C’est le cas actuellement du Rwanda qui, au mépris du droit international, de la charte de l’ONU (...) a une fois de plus agressé en mars dernier la République démocratique du Congo par des incursions directes de ses forces armées», a accusé le chef de l’Etat congolais.
Félix Tshisekedi a montré du doigt les forces de Kigali qui «occupent des localités de la province du Nord-Kivu par un groupe armé terroriste interposé, le +Mouvement du 23 mars+, dit M23, auquel (le Rwanda) apporte un soutien massif tant en matériel de guerre qu’en hommes de troupes». Il a encore accusé «le M23, avec le soutien de l’armée rwandaise», d’avoir «abattu» en mars un hélicoptère de la mission de l’ONU dans le pays (Monusco), tuant huit Casques bleus et «commettant ainsi un crime de guerre».
Dans un discours de 40 minutes, le président de la RDC a fustigé «cette énième agression dont (son) pays est victime de la part de son voisin le Rwanda, sous couvert d’un groupe terroriste dénommé le M23». «L’implication du Rwanda et sa responsabilité dans la tragédie que vivent mon pays et mes compatriotes des zones occupées par l’armée rwandaise et ses alliés du M23 ne sont plus discutables», a-t-il martelé.