Soudan«La plupart des scénarios semblent mauvais»
Les évacuations d’étrangers se poursuivent dans le pays, où aucune issue ne se dessine après neuf jours de combats. Les Soudanais, eux, tentent de fuir.

La plupart des étrangers évacués sont des membres du personnel diplomatique.
AFPLes explosions et les tirs ne cessent de résonner à Khartoum et dans d’autres villes, mais les capitales étrangères sont parvenues à négocier des passages avec les deux belligérants. Plus de 1000 ressortissants de l’UE ont été évacués du pays, a annoncé lundi le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell.
«Les forces britanniques ont profité d’une petite fenêtre d’opportunité», a indiqué pour sa part un porte-parole du gouvernement à Londres. Car, «avec des combats intenses qui se poursuivent à Khartoum et la fermeture du principal aéroport», théâtre de combats dès le premier jour des hostilités, le 15 avril, «une évacuation temporaire plus large était impossible», a-t-il poursuivi. Plusieurs capitales arabes ont également évacué des centaines de leurs ressortissants.
Les violences, principalement dans la capitale et au Darfour, dans l’Ouest, ont fait selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) plus de 420 morts et 3700 blessés. La plupart des étrangers évacués sont des membres du personnel diplomatique. De nombreux ressortissants attendent, eux, toujours une place pour quitter le pays.
«Peur pour l’avenir»
Mais si de nombreux étrangers sont partis, qu’adviendra-t-il des Soudanais, se demandent experts et humanitaires. «J’ai peur pour leur avenir», admet sur Twitter l’ambassadeur norvégien Endre Stiansen. «Maintenant, les armes et les intérêts personnels pèsent plus que les valeurs et les mots: la plupart des scénarios semblent mauvais», poursuit-il.
Les 5 millions d’habitants de Khartoum, où l’ambassade suisse a fermé ses portes, n’ont qu’une idée en tête: quitter la ville qui ressemble de plus en plus à un piège. L’eau courante et l’électricité sont coupées depuis plusieurs jours, le réseau téléphonique s’est fortement dégradé et les vivres commencent à manquer. Dans un pays où l’inflation est déjà à trois chiffres en temps normal, le kilo de riz ou le litre d’essence s’échangent désormais à prix d’or.
Or, l’essence est la clé pour s’échapper: il en faut beaucoup pour rejoindre l’Égypte voisine. Ou pour rallier Port-Soudan, à 850 km à l’est, et espérer monter dans un bateau, comme l’ont fait les tout premiers évacués du pays, les Saoudiens. «Alors que les étrangers qui le peuvent s’enfuient, l’impact des violences sur une situation humanitaire déjà critique au Soudan s’aggrave», prévient l’ONU.
Prises sous les tirs croisés, ses agences et de très nombreuses organisations humanitaires ont suspendu leurs activités. Cinq humanitaires, dont quatre de l’ONU, ont été tués et près des trois quarts des hôpitaux sont hors service.
Pillages et attaques
Déjà, des milliers de Soudanais ont fui en Égypte, au Soudan du Sud et au Tchad, frontalier du Darfour. Cette région de l’ouest du Soudan a été ravagée dans les années 2000 par une sanglante guerre ordonnée par le dictateur Omar el-Béchir, déchu en 2019. Aujourd’hui, alors que personne n’y a accès, le Darfour est de nouveau en proie aux pillages, aux attaques et aux atrocités.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) rapporte ainsi que «10 véhicules et six camions de nourriture ont été volés», soit «4000 mètres cubes d’aliments» qui n’iront pas aux 45 millions de Soudanais, dont plus d’un sur trois souffrait de la faim avant le confit actuel.