QATAR 2022: Commentaire: les femmes arbitres ont mystérieusement «disparu» au Qatar

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QATAR 2022Commentaire: les femmes arbitres ont mystérieusement «disparu» au Qatar

Alors que la FIFA s’était vantée de la présence de plusieurs arbitres féminines, aucune ne s’est encore vu attribuer un match. La première attendra jeudi pour diriger Allemagne - Costa Rica.

Nicolas Jacquier
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Nicolas Jacquier
Stéphanie Frappart est une des trois arbitres féminines de champ présentes au Qatar. Elle entrera sur le terrain jeudi.

Stéphanie Frappart est une des trois arbitres féminines de champ présentes au Qatar. Elle entrera sur le terrain jeudi.

REUTERS

Lorsqu’il s’était agi de faire la promotion de ses directeurs de jeu, la FIFA avait été très fière d’annoncer la présence de trois femmes parmi les 36 arbitres de champ retenues pour siffler les 64 matches de la Coupe du monde au Qatar. Par la voix de Pierluigi Collina, son président, la Commission d’arbitres s’était gargarisée de la présence conjointe de Mmes Stéphanie Frappart (France), Salima Mukansanga (Rwanda) et Yoshimi Yamashita (Japon), chacune habilitée à siffler dans le rond central.

Dans la mesure où ça ne s’était encore jamais produit lors des éditions précédentes, on pouvait y voir alors autant une ouverture historique que la volonté affichée par les dirigeants de récompenser la compétence avant le genre.

Dans son discours d’intronisation, l’ancien arbitre italien n’avait d’ailleurs pas manqué d’insister sur le mérite de ces pionnières du sifflet. «Elles doivent avant tout être perçues comme des arbitres, qui méritent leur sélection et doivent, comme les autres, travailler dur pour être désignées sur les rencontres», avait-il asséné. À Doha, la légion féminine est encore renforcée par la présence conjointe de trois assistantes – la Brésilienne Neuza Back, la Mexicaine Karen Díaz Medina et l’Américaine Kathryn Nesbitt – parmi les 69 arbitres assistants sélectionnés.

Que cette double première intervienne au Qatar, pays souvent pointé du doigt pour sa gestion de la place des femmes dans la société civile, ne faisait que renforcer le caractère historique de ce qui s’apparentait à un événement en soi.

Reléguées sur la touche

Voilà pour le décor, un décor qui apparaît aujourd’hui comme un trompe-l’œil. Parce que dans la réalité qatarie aucune arbitre féminine n’a encore été désignée pour siffler un match de poule. Pour le moment, toutes ont été reléguées au mieux à une fonction subalterne, en l’occurrence celle de quatrième officiel, appelé à gérer notamment les changements et à exhiber le panneau du temps supplémentaire. Ce sera encore le cas demain avec la présence de la Rwandaise Salima Mukansanga qu’on retrouvera au bord de la touche lors de Tunisie-France. Pourtant habituée à siffler des matches de L1, la Française Stéphanie Frappart a elle aussi dû se contenter de jouer les utilités jusque-là. Elle entrera en lice jeudi (lire ci-dessous).

C’est bien simple, alors que plus de la moitié des rencontres ont déjà été jouées, aucune arbitre féminine ne s’est encore vu attribuer l’un de ces matches. Tout se passe comme si ces dames n’existaient pas, comme si elles n’avaient pas le droit de siffler au Qatar. Pourquoi les avoir dès lors sélectionnées si c’est pour faire tapisserie et renoncer à les mettre en valeur? À l’inverse, certains arbitres hommes ont déjà eu droit à deux parties.

Oser franchir le Rubicon

Que doit-on en conclure? Trop ceci et pas assez cela, ces dames seraient-elles discriminées au point d’être blacklistées? Sifflées hors-jeu, ont-elles seulement été nominées pour servir de caution morale, en guise d’alibi? Ou la gent féminine doit-elle uniquement s’incliner devant ces messieurs en fonction de critères sportifs réels et d’une hiérarchie qui ne lui serait pas favorable? La FIFA pourrait aussi avoir choisi de «réserver» son trio – ou l’un de ces membres – pour les futures échéances, lors des matches à élimination directe - une hypothèse certes envisageable en théorie mais peu plausible dans la réalité. Ici et là, il se murmure déjà que la FIFA, empruntée, n’oserait pas franchir le Rubicon. Voir une femme arbitrer la finale du 18 décembre, avouez pourtant que ça en jetterait, non?

Ce qui est sûr, c’est que l’absence de ces dames dans le rond central (ou drapeau en main le long de la ligne) interpelle autant que le brouhaha médiatique ayant entouré leur nomination avant le coup d’envoi du Mondial. Du Qatar, on connaissait déjà le greenwashing, cet outil de marketing utilisé pour se donner une image écoresponsable trompeuse. Voici qu’on est peut-être en train de découvrir le «refereewashing»…

Première pour la Française Stéphanie Frappart

La Française Stéphanie Frappart sera la première femme à arbitrer un match de la Coupe du monde masculine, jeudi (20 h.) au Stade al-Bayt d’Al Khor, au Qatar, entre l’Allemagne et le Costa Rica, a annoncé mardi la FIFA.

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