SuisseLes États balaient l’initiative contre les élevages intensifs, sans alternative
Comme le National en décembre, les sénateurs ont rejeté à la fois le texte des initiants et tout contre-projet permettant d’ouvrir un débat moins clivant sur le sujet.


Les conditions dans lesquelles sont détenus de nombreux animaux destinés à finir dans nos assiettes ont été au cœur des discussions du Conseil des États ce mardi.
AFPLe Parlement ne veut pas de l’initiative contre l’élevage intensif. Tout comme le National en décembre, le Conseil des États a balayé le texte par 32 voix contre 8. Comme la Chambre du peuple, les sénateurs ont également rejeté par 30 voix contre 14 le contre-projet direct moins contraignant qu’aurait voulu lui opposer le Conseil fédéral (lire l’encadré). Les Suisses devront donc se prononcer uniquement sur le texte des initiants qui veulent notamment interdire l’élevage intensif en Suisse, dans les 25 ans, et ancrer des normes bio dans la Constitution.
Loin des images idylliques de la pub
Pourtant la gauche a tout fait pour faire passer l’initiative ou au moins le contre-projet. «50% des porcs ne voient jamais le soleil et ne disposent que de 1 m² par animal en Suisse», a rappelé Adèle Thorens Goumaz (Verts/VD). «Et 90% des poulets que nous mangeons, entassés en réalité dans des halles jusqu’à 27’000 individus, ne verront jamais le soleil et ne batifoleront jamais librement dans un verger avec une jolie ferme traditionnelle en arrière-plan», a-t-elle souligné, en critiquant les publicités pour produits carnés. «Pourquoi les images de ces immenses halles et étables fermées ne figurent-elles pas dans les publicités? Parce que les consommateurs seraient beaucoup moins disposés à acheter de la viande, car ces conditions d’élevage ne correspondent pas à leurs valeurs», a-t-elle martelé.
Au nom de la commission, Peter Hegglin (Centre/ZG), a rappelé que l’élevage intensif était déjà interdit en Suisse et que la loi sur la protection des animaux protégeait le bien-être de chaque animal, quelle que soit la taille de l’exploitation. Les normes privées de Bio Suisse que les initiants souhaitent inscrire dans la Constitution posent également problème, a-t-il précisé. Les normes de production devraient être contrôlées dans le pays d’origine, ce qui serait extrêmement complexe selon lui. Et surtout, les conséquences seraient une hausse des prix, ce qui augmentera le tourisme d’achat, a mis en garde de son côté Werner Salzmann (UDC/BE).
«Celui qui tape sa bête, tape son porte-monnaie»
«Tant l’initiative que le contre-projet vont réduire la production, c’est incontestable. Mais elles ne réduiront pas la consommation de viande», a ajouté Johanna Gapany (PLR/FR). Pour elle, mieux vaut encourager la production locale, d’autant que le nombre d’exploitations a déjà fortement baissé. «Notre pays n’est pas parfait, mais il est en route pour trouver un juste équilibre entre la viande que l’on produit et le bien-être animal».
Le sénateur Charles Juillard (Centre/JU) est lui aussi monté au créneau: «On parle d’améliorer la qualité de la production suisse, c’est un comble! Comme si ce n’était pas le cas aujourd’hui déjà», a-t-il critiqué. En outre, l’agriculture suisse est la plus encadrée par des lois et des règlements au monde, selon lui. Et de préciser que le bien-être animal a toujours été une préoccupation des paysans: «Celui qui tape sa bête, tape son porte-monnaie, disait déjà mon grand-père agriculteur».
«Qui ose me dire qu’il n’est pas d’accord?»
Le ministre de l’Intérieur, Alain Berset, a lui aussi tenté en vain de faire passer le contre-projet du Conseil fédéral. «Il est très différent. C'est un peu facile de le jeter dans le même bain que l'initiative», a-t-il critiqué, en regrettant le manque de débat sur le contre-projet. «Si vous le lisez, j’aimerais bien savoir qui peut ici oser me dire qu’il n’est pas d’accord avec ce qu’il y a dans ce texte», a-t-il lancé. «Si vous vous y opposez, il faut dire avec quoi vous n’êtes pas d’accord!»
Alain Berset a aussi rappelé le danger de refuser tout contre-projet à une initiative populaire en rappelant que le peuple avait accepté deux fois en trois mois des textes émanant du peuple (soins infirmiers et tabac). «Si vous ne les prenez pas au sérieux, on est dans une phase où le peuple les accepte», a-t-il mis en garde. Et ce n’est pas inimaginable que celle-ci puisse faire une double majorité, selon lui. Avec les difficultés que cela suppose pour les mettre en oeuvre.
Initiative et contre-projet: les différences
L’initiative, lancée par la présidente de la Fondation Franz Weber, Vera Weber, le conseiller national Bastien Girod (Verts/ZH), Sentience Politics et Greenpeace, demande la suppression de l’élevage intensif en Suisse dans les 25 ans. L’initiative aimerait ancrer de meilleures normes de protection des animaux d’élevage dans la Constitution. Ces normes, basées sur celles de Bio Suisse, doivent accorder notamment un accès régulier à l’extérieur et nettement plus de place d’hébergement. Le texte demande aussi à la Confédération d’édicter des dispositions sur l’importation d’animaux et de produits d’origine animale, à des fins alimentaires qui tiennent compte du nouvel article.
Dans son contre-projet, le Conseil fédéral proposait lui d’inscrire le bien-être animal dans la Constitution. Ainsi, les porcs auraient dû disposer d’aires de repos recouvertes de litière et tous les animaux de rente bénéficier de sorties régulières. Les animaux auraient dû gagner en qualité de vie, être plus résistants aux maladies et avoir moins besoin d’antibiotiques, selon Berne. Lors de leur abattage, douleurs, souffrances et anxiété auraient en outre dû être évitées par tous les moyens possibles et raisonnables.