BDMarini teinte son premier polar de rouge
Le dessinateur bâlois sort «Noir Burlesque», un hommage aux films policiers en noir et blanc des années 1950, qu’il magnifie en rajoutant une couleur éclatante.

La bande-annonce de «Noir Burlesque».
Marini/DargaudLui, c’est Slick, un grand baraqué à la mâchoire carrée et aux cheveux blancs. C’est un gangster. Elle, c’est Caprice, une artiste de cabaret dont les stripteases affolent les clients. Entre les deux, c’est une histoire d’amour-haine, de trahison et de passion. C’est ce que l’on découvre dans ce premier volume de ce qui sera un diptyque, «Noir Burlesque», signé Enrico Marini. Le dessinateur bâlois éblouit avec un album en noir et blanc mais où il rajoute du rouge. Rouge comme les cheveux et les lèvres de Caprice, comme sa voiture, comme une bouteille de ketchup ou comme le sang qui gicle. Cela ajoute une sensualité folle à une histoire solide, qui rappelle les grands films noirs hollywoodiens, et c’est totalement voulu.
«J’ai toujours aimé les films en noir et blanc, nous raconte Marini. Les polars des années 1950-60, bien sûr, mais aussi les comédies de l’époque ou le néoréalisme italien. Cela me démangeait donc depuis un moment de faire un album en noir et blanc et le polar s’y prête bien. J’avais une histoire en tête, que je pensais attaquer après le tome 5 des «Aigles de Rome» et mon dernier «Scorpion» et puis on m’a proposé de faire un Batman, ce que je n’ai évidemment pas pu refuser».
Un album plus expérimental
Mais ce délai a permis au projet d’évoluer. «Je pensais d’abord faire un noir et blanc à la Alex Reymond (Flash Gordon) avec un noir et blanc très contrasté. Et puis j’ai préféré une approche plus nuancée, avec l’aquarelle, qui donne plus de volume, permet de jouer avec une sorte de flou, de donner de la matière. Mais j’étais toujours dans le noir et blanc, la preuve, j’imaginais alors Caprice noiraude. Et m’est venue l’idée qu’elle soit rousse et que je montre cette couleur. D’où l’apparition ponctuelle du rouge, je m’amuse avec au fil des pages».
Pages qu’il a beaucoup plus aérées que dans ses précédents albums, mettant moins de cases ou n’hésitant pas à montrer parfois un seul grand dessin. «C’est vraiment un album plus expérimental, où je peux me concentrer sur l’essentiel». Avec les architectures new-yorkaises et les décors de l’époque, c’est somptueux. «J’ai toujours été un dessinateur du passé, à part dans «Gipsy». C’est en outre plus pratique que de dessiner des smartphones qui seront déjà dépassés dans 2 ans. Et dans les années 1950, les voitures ont des courbes, les hommes sont élégants avec costumes, cravates et souvent chapeaux. Pour Caprice, il y a ces robes fourreaux comme dans le film «Gilda». Et si Slick, lui, a des cheveux blancs, c’est parce que noirs ils le faisaient trop ressembler à mon Batman. En fait, dans mes BD, j’utilise toujours les mêmes acteurs, homme ou femme, je change juste costumes, coiffures et décors».
Promis, juré, ce «Noir Burlesque» se terminera dans le tome 2, qui devrait sortir fin 2022. «Je ne voulais pas me lancer dans une nouvelle série, déjà qu’il faudra que je fasse le tome 6 des «Aigles de Rome». Mais j’ai pris beaucoup de plaisir sur cet album et j’aimerais bien réutiliser cette technique à l’avenir. Pourquoi pas en restant dans le même univers, en changeant le sous-titre par exemple, «Noir quelque chose». On verra.»

«Noir Burlesque», Tome ½, de Marini, Éd. Dargaud, 96 pages
Un western collectif
Marini a une autre actualité ces jours puisqu’il a signé la couverture de «Go West Young Man». Un album très particulier, parce qu’il raconte l’épopée de la conquête de l’Ouest américain à travers plusieurs générations. Un seul scénariste, Tiburce Oger, a confié le partage des pages à 17 auteurs BD qui ont tous réalisé de grands westerns. C’est le même principe que le film d’ailleurs intitulé «La conquête de l’ouest» de 1962 dans lequel trois réalisateurs faisaient chacun leur partie.
Il y a vraiment du beau monde dans ce «Go West», qui suit le passage de main en main d’une montre à gousset, de 1763 à nos jours: Boucq, Labiano, Meyer, Meynet, Blanc-Dumont et donc Marini, qui s’était brillamment frotté au western avec «L’étoile du désert». Mais hélas, il ne signe donc que la couverture. «Oui, cela aurait été mieux si j’avais également quelques pages dans l’album, mais je n’avais pas le temps quand Tiburce m’a approché. Il m’a toutefois laissé carte blanche pour le dessin de couverture. Je n’y ai pas mis la montre mais j’ai respecté le titre: mon cavalier se dirige vers l’Ouest». Dommage qu’on n’ait pas droit à sa séquence, mais l’album reste un grand plaisir de lecture, un western qui évidemment multiplie les genres et les styles.

«Go West Young Man», collectif, Éd. Grand Angle, 112 pages