Drame de La Neuveville (BE)«Des professionnels ont posé une installation criminelle!»
Après l’inculpation des personnes impliquées dans l’électrocution d’une conductrice de chien et d’une touriste hollandaise, les parents de la première victime témoignent.

Au cimetière de La Neuveville (BE), sur la tombe commune d’une femme et d’une chienne, une épitaphe exprime un ressenti: «Elles voulaient sauver des vies, la négligence des hommes a pris la leur». Cette négligence a débouché sur huit inculpations, après le drame du 15 mai 2017, fatal pour Claire et sa chienne Makani, électrocutées dans l’eau d’un port avec la touriste qui voulait leur porter secours.
Claire était conductrice de chiens militaires et membre de Redog Suisse. Voyant sa chienne en difficulté dans l’eau du port, elle a sauté à l’eau, suivie de Miranda Birschal, une touriste hollandaise qui passait par là. Toutes trois ont été électrocutées dans l’eau du lac, par la faute d’un câble électrique dénudé qui a transmis du courant à une balustrade et à un ponton.
Pour l’éternité
Sur la pierre tombale, une pensée unit Claire Schläfli, morte à 24 ans, à sa chienne Makani, qui avait 7 ans: «Ensemble pour l’éternité». La femme et l’animal entretenaient une relation quasi fusionnelle qui leur vaut d’avoir la même sépulture.
À cinq minutes à pied du cimetière, dans une maisonnette posée entre la vigne et la forêt, la chambre de Claire n’a pas changé en six ans. Les parents n’ont retiré aucun meuble, aucun objet: «Ce serait comme lui voler quelque chose», murmure la maman. Mais un carton contenant des dossiers s’est ajouté dans le décor.
Six ans de procédure
«Il n’y a pas une semaine sans qu’un classeur ne passe sur la table», glisse Christiane Schläfli, la maman. Six ans de procédure, c’est long «pour tout le monde», insiste l’infirmière. Dans les responsabilités supposées, la technique l’emporte sur la politique: le maire d’alors n’est pas inculpé, le directeur du département concerné non plus. Aucune procédure, ni pénale, ni administrative n’a inquiété un politicien.
Dans l’un des trois ports de La Neuveville équipé pour 65 bateaux, les plaisanciers réclamaient légitimement de pouvoir recharger leurs batteries. Les décisions ont-elles été prises sur un pas-de-porte, manière de parer au plus pressé sans budget? Si négligence il y a eu, elle sera attribuée à un ou l’autre électricien, à un exécutant plutôt qu’à un décideur.
«Installation criminelle»
«Le drame ne s’est pas produit à cause de l’eau ou à cause du chien: ils sont huit qui, devant une installation électrique, ne se sont pas dit qu’elle pouvait être dangereuse», commente Robert «Robi» Schläfli, le père de Claire.
S’il évoque l’eau et le chien, c’est à dessein: des panneaux ont été posés il y a deux ans au quai Maurice-Moeckli, qui imposent la laisse pour les chiens. «Makani marchait au pied sans laisse. Faut-il aussi tenir les enfants par la main pour qu’ils ne s’approchent pas de l’eau?» interrogent les parents de Claire.
Le papa n’a pas pris d’avocat, mais ce mécanicien sur motos a fait sa lecture du dossier. Son constat «Des professionnels ont posé une installation criminelle. L’eau était électrifiée, c’est hallucinant!» assène-t-il. Avec le temps, le désir de vengeance s’est estompé: «J’avais envie de les punir, mais ce n’est pas à moi de le faire», indique Robert Schläfli.
«Trop complexe»
Qu’attendent les parents du procès, prévu au plus tôt en automne prochain? «Un procès? J’aimerais bien caresser la joue de Claire», répond Robi. «Quand on roule trop vite, on reçoit une amende. J’attends simplement que la justice fasse son travail. Et que pareilles boulettes ne se reproduisent plus dans notre société», reprend le papa, tandis que la maman se sent démunie face à un système judiciaire qu’elle estime «trop complexe».
«J’ai besoin de comprendre comment on en est arrivé à un drame pareil, pas seulement sur le plan technique», dit Christiane Schläfli. Et d’ajouter: «Je n’arrive pas à me consoler qu’il y ait eu autant de négligences. Passe encore dans une installation très complexe, mais là…». Là, trois vies ont été perdues à cause de l’alimentation électrique d’un port de plaisance.