FootballServette et le sentiment de fragilité
Après la fessée 6-0 encaissée contre YB, la pause internationale. De quoi réfléchir pour les Grenat, en difficulté sans Cognat.


Même les statistiques le disent. À éplucher toutes les données du Servette FC dans son rôle d’analyste, Mathieu Feigean en avait ressorti en fin de semaine passée une tendance nette: plus Micha Stevanovic réussit de passes progressives (des passes qui rapprochent de 25% au moins du but adverse depuis leur point de départ), plus Servette a des chances de gagner. Une corrélation: la réussite de l’un induit très souvent celle du groupe tout entier. Servette est Micha-dépendant, un peu, c’est vrai, on s’en doutait puisque le Bosnien est l’un des meilleurs joueurs de Super League.
Ce que l’on avait peut-être oublié, c’est l’importance capitale d’un autre Grenat dans les schémas en place: Thimothé Cognat. Le No 8 est l’autre joueur clé du groupe quand il est question de porter les idées servettienne et depuis sa blessure le 21 septembre à Zurich, cela se confirme aussi, comme on pouvait le pressentir.
Un premier relais qui manque

Étrillé 6-0 par YB en jouant à dix plus d’une mi-temps, Servette accuse le coup. Pas simple.
ERIC LAFARGUEIl y a dix jours, au moment où Servette étouffait un pauvre LS, sa créativité a fait défaut. Contre YB, son absence a pareillement handicapé Servette dans son jeu de transition. Peut-être plus encore. Cognat, c’est, contre une équipe comme Young Boys qui impose son jeu, qui joue haut, qui presse, qui étouffe, une bouffée d’oxygène. Un joueur capable d’assurer le premier relais après une récupération. Un premier relais indispensable pour qui veut partir en rupture.
Double bénéfice quand il est là: il fait mal à l’adversaire par ses accélérations balle au pied pour prendre les espaces, ou par la justesse de ses passes; il permet à la défense de souffler, de remonter d’un cran. Qu’on soit clair: rien ne dit qu’avec Cognat dimanche, Servette aurait déjoué les pronostics en fragilisant YB à chaque possession. Encore moins après l’expulsion de Frick, le 0-1 qui en résultait (penalty de Ngamaleu) et l’avalanche de buts après la pause.
Ce qui est plus intéressant, c’est ce qui s’est passé avant. Des Bernois qui ne commencent pas très bien la partie, au contraire d’un Servette très haut, qui pressait, qui gênait. Cela a duré un bon quart d’heure, avant que les Grenat ne reculent inexorablement.
Il est évident que quand YB a haussé le ton, rien n’était simple et rien ne le sera pour tout le monde face à un tel contingent, celui du quadruple champion consécutif. Mais c’est précisément quand Servette devait livrer cette bataille-là que Cognat a beaucoup manqué. Dans les choix en transition, dans la percussion. Les Grenat défendaient, mais en reculant, cela arrive. Quand ils récupéraient le ballon, ils cherchaient un premier relais: c’est là que la balle se perdait, à la deuxième passe. Avec pour conséquence une équipe qui recule encore. Alain Geiger a résumé: «Je crois que je n’ai jamais autant crié à l’équipe de remonter, de jouer plus haut», dira-t-il.
Quels choix?
Trouver la bonne formule sans Cognat n’est pas simple. Dans son 4-3-3 avec un No 6 (Cespedes) et deux No 8 qui peuvent se transformer en No 10, l’entraîneur cherche le bon équilibre. Il peut bien sûr mettre Kastriot Imeri à la place de Cognat. Le jeune Grenat est très talentueux. Mais il préfère placer là Rodelin et donner le couloir gauche à Imeri. Étonnement? Un peu oui. L’ex-joueur de Guingamp n’a évidemment pas le même profil que Cognat, bien moins qu’Imeri en tout cas. En fait, Geiger compte sur deux choses avec Imeri sur la gauche: son pouvoir de création avec un peu d’espace devant lui et sa qualité à défendre.
S’il utilise Imeri en No 8, il doit trouver une solution pour le couloir gauche, puisque Servette se replie sans le ballon en 4-1-4-1. Mais ni Schalk ni Rodelin ne sont des chantres du repli défensif, Antunes pas vraiment non plus. Il lui reste une autre option: laisser Imeri sur la gauche, pour sa présence offensive et défensive, et trouver un autre No 8 que Rodelin (soit dit en passant, Rodelin est loin d’être inutile comme certains le laissent entendre çà et là, les statistiques de Feigean le montrent aussi…). Antunes? Alves? Là, on est dans le choix de l’entraîneur qui pèse les équilibres du groupe et les dispositions de ses joueurs pour les voir tous les jours ou presque à l’œuvre. Pas simple. La limite de l’exercice est là aussi.
Giflé par YB 6-0 après l’expulsion de Frick, Servette n’est pas encore cette équipe qui peut se passer de ses meilleurs joueurs sans que cela ne s’en ressente aussitôt. La fragilité est là. Mais il apprend. Même si ce n’est pas simple.