MatériauxDes chercheurs genevois réinventent le sable
Une découverte suisso-australienne permettrait de créer une alternative durable à cette deuxième ressource naturelle la plus exploitée au monde.


Chaque année, on utilise 50 milliards de tonnes de sable.
Getty Images/iStockphotoLa ressource naturelle la plus exploitée au monde, c’est l’eau. Vient ensuite le sable. On en a besoin partout, pour fabriquer du béton, de l’asphalte, du verre, des puces électroniques… Au cours des deux dernières décennies, la demande a triplé, principalement en raison de l’urbanisation et de la croissance démographique. On estime que 50 milliards de tonnes de sable sont utilisées chaque année, un chiffre qui devrait même être dépassé d’ici 2030.
Le sable provient des mers, des plages, des lacs et des rivières, ou d’anciens dépôts fluviaux et carrières de roche. Une telle consommation humaine peut provoquer des risques de pénurie locale et, en plus, l’extraction de cette ressource a de fortes conséquences sur l’environnement et les populations. Cela peut par exemple provoquer l’érosion des berges des rivières, augmentant le risque d’inondations. Trouver une alternative au sable serait donc précieux.
Issu des résidus de mines
Des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) et du Sustainable Minerals Institute (SMI) de l’Université du Queensland, en Australie, ont étudié le potentiel d’un matériau, présenté dans un rapport, et baptisé «ore-sand» ou «sable de minerai». Issus de l’exploitation des minerais, ces résidus miniers représentent en outre le plus grand flux de déchets de la planète, soit 13 milliards de tonnes par an.
Directeur de projet au sein du SMI, le professeur Daniel Franks estime que ce sable de minerai a donc le potentiel de relever simultanément deux défis mondiaux en matière de durabilité. «Séparer et réutiliser ces matériaux avant qu’ils ne soient ajoutés au flux de déchets permettrait non seulement de réduire considérablement le volume des déchets générés, mais aussi de créer une source de sable responsable».
Les chercheurs ont, durant 12 mois, travaillé sur cet «ore-sand» dans une mine au Brésil. Après une analyse des propriétés chimiques et quelques opérations de raffinage de ce sable produit par l’extraction de minerai de fer, ils ont pu démontrer qu’une partie du flux de matériaux qui se retrouvaient dans les résidus miniers pouvait être utilisée comme substitut du sable de construction et industriel, de la même manière que le béton recyclé et les scories d’acier. «Si ces résultats peuvent être reproduits avec d’autres types de minerais, il est alors possible de réduire considérablement la quantité de résidus miniers dans le monde».
Fournir du sable local
Les chercheurs estiment en effet que près d’un tiers des sites miniers dans le monde pourrait trouver une demande pour un tel sable dans un rayon de 50 km. Cela permettrait d’une part de réduire de 10% les résidus de chaque mine et, d’autre part, près de la moitié de la demande de sable dans le monde pourrait trouver une source locale. Rien qu’en Chine, cela pourrait remplacer près d’un milliard de tonnes par an.
Autre avantage, cette méthode de production ainsi que la distance de transport réduite entraîneraient une diminution des émissions de carbone. «Envisager la coproduction d’ore-sand est un avantage significatif pour les sociétés minières: cela réduit les grands résidus qui entravent les activités minières opérationnelles, tout en générant des revenus supplémentaires. Le sable de minerai est une première étape vers une mine sans résidus», explique Pascal Peduzzi, professeur au département F.-A. Forel pour les sciences de l’environnement et les sciences aquatiques de la Faculté des sciences de l’UNIGE.
Les prochaines étapes de ce projet consisteront à collaborer avec les acteurs du marché des granulats pour démontrer la facilité d’utilisation, les performances et le processus d’approvisionnement de ce matériau de substitution.