VaudTuerie d’Yverdon: «Ces assassins n’ont pas le courage de se suicider seuls»
Trois jours après qu’un papa a emporté sa femme et leurs trois fillettes dans la mort avant d’en finir, les habitants d’Yverdon (VD) défilent ce dimanche devant la maison maudite.

Criminel. Le qualificatif que personne n’a osé prononcer jusqu’à samedi après-midi lorsque le Ministère public vaudois et la police cantonale communiquent officiellement qu’il ne s’agit effectivement pas d’un triste incendie accidentel qui serait survenu à Yverdon (VD). Les déflagrations entendues par le voisinage tôt jeudi 9 mars vers 06h40 sont sans doute les coups de feu qui ont tué successivement une maman de 40 ans et ses enfants de 5, 9 et 13 ans. Et un papa de 45 ans, armé, qui voulait s’ôter la vie.
«Il n’habitait plus là»
Ce dimanche, c’est le défilé devant cette habitation en lambeaux dans laquelle, à huis clos, ce père de famille a décidé d’abattre tous les siens. «Il n’habitait plus là, c’est tout ce que je peux vous dire», nous confie le grand-père maternel par téléphone, Je ne peux rien vous expliquer de plus à cause de l’enquête.» L’on sait désormais pourquoi aucun des défunts n’a pu tenter de s’échapper, de sauter, de crier, alors que les flammes ravageaient très violemment le bâtiment. Les experts incendie ont découvert une quantité impressionnante d’accélérant, a priori de l’essence, dans différentes pièces.

Il ne reste rien du logement familial. Une grande quantité d’accélérant, vraisemblablement de l’essence selon les experts incendie, a été retrouvée dans plusieurs pièces.
lematin.ch/Evelyne EmeriCruelle dimension
Les pompiers ont compris très vite que ce feu était intentionnel. La police scientifique aussi et les légistes l’ont confirmé en relevant des impacts de balles sur tous les membres de cette même famille. Le décès de trois enfants et de ce couple séparé ne suffisait pas. Il a fallu découvrir que le sinistre cachait un quadruple homicide, perpétré par le père qui n’a visiblement pas supporté devoir quitter le domicile conjugal. Des circonstances encore plus intenables qui rajoutent une dimension cruelle à la perte des êtres chers. Contactée ce jour, la procureure Laurence Brenlla ne fait aucun commentaire supplémentaire et s’en tient au communiqué diffusé samedi (voir plus haut).
Plus de photo du papa
Ce dimanche, des inconnus, des connaissances lointaines mais aussi des proches sont là devant la haie qui cache la carcasse de cette vieille habitation. Une haie désormais fleurie, des nounours déposés ici et là, des mots d’enfants, des photos des fillettes à cheval qui montaient au centre équestre local. La photo du papa a été enlevée samedi suite aux révélations de la justice. Le coupable présumé de ce carnage n’a plus sa place. Il a commis l’impensable et l’interdit: éliminer les siens pour ne pas partir tout seul. «C’est toujours comme ça, nous glisse sur le trottoir cette psychologue pour enfants, Ces assassins n’ont pas le courage de se suicider seuls.»

Des peluches, beaucoup de peluches déposées discrètement par des adultes et des copains des fillettes.
lematin.ch/Evelyne Emeri«C’est le tourisme de l’horreur»
Le défilé est incessant. Certains s’arrêtent pour se recueillir, déposer des bougies, des fleurs. Ou rien. Passer pour compatir avec les proches des deux familles endeuillées. Le silence est lourd. Parfois, il se déchire à la faveur de l’une ou l’autre phrase dure dont certaines ne peuvent pas et ne doivent pas être retranscrites par pudeur. «Les enfants, pas les enfants, lâche une maman qui vit une situation familiale similaire, Personne ne nous protège, ni la justice, ni la protection des mineurs. On se sent très seule dans ces situations.» «C’est le tourisme de l’horreur», murmure une grand-maman en accrochant son bouquet de tulipes, tandis qu’un joggeur souffle des baisers vers l’ancienne maison du bonheur. Il court, en larmes, vite.