Yvan Perrin – «Un bracelet électronique protège des féminicides»

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Yvan Perrin«Un bracelet électronique protège des féminicides»

Pour l’ancien commissaire qui a siégé dix ans à Berne, un bracelet électronique est une bonne réponse aux tentatives de féminicide.

Vincent Donzé
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Vincent Donzé
Yvan Perrin est partisan d’un bracelet préventif.

Yvan Perrin est partisan d’un bracelet préventif.

lematin.ch/Vincent Donzé

Une séparation qui tourne mal, un mari qui kidnappe sa femme et qui se jette avec elle en voiture dans une falaise aux Roches-de-Moron (NE), c’est plus qu’un fait divers ou qu’un drame familial, c’est une tentative de féminicide survenu le 15 février dernier. Les députés neuchâtelois ont disserté mardi dernier sur l’efficacité des mesures d’éloignement signifiées aux agresseurs potentiels. Mais l’ancien conseiller national Yvan Perrin perd patience: «Un bracelet électronique protège des féminicides», dit-il.

Au Grand Conseil neuchâtelois, en réponse à une question de l’UDC Roxann Durini, le conseiller d’État Alain Ribaux a fait siennes les conclusions du procureur Pierre Aubert: le bracelet électronique à titre préventif peut donner un «faux sentiment de sécurité». Ancien commissaire devenu un temps conseiller d’État, Yvan Perrin sort de ses gonds: «Ce faux sentiment de sécurité cache une vraie paresse politique!» s’emporte-t-il.

En 2009

Si Yvan Perrin s’impatiente, c’est parce qu’il est intervenu au Conseil national en faveur d’un bracelet électronique préventif. C’était en… 2009! Adoubée par les commissions du National et des États, son intervention a débouché sur des expertises. Le 3 décembre dernier, le Conseil fédéral a finalement publié un rapport intitulé «Mieux protéger les victimes dans les cas à haut risque de violence domestique».

Le rapport du Conseil fédéral faisait suite à une intervention de la conseillère nationale bâloise Sibel Arslan (Les Verts). Les mesures les plus efficaces ont été examinées et parmi elles: le bracelet électronique. Les cinq bracelets actuellement dans le canton de Neuchâtel le sont pour des peines de semi-liberté.

Signal sonore

Au média «Arcinfo», la responsable du Service d’aide aux victimes neuchâtelois a déclaré elle aussi que la surveillance électronique peut donner un faux sentiment de sécurité en laissant penser que rien ne peut arriver. «Le bracelet électronique peut être utilisé comme mesure de prévention, mais il a ses limites», a résumé Alain Ribaux, en charge de la Sécurité.

Des limites, quelles limites? «Depuis qu’en Espagne la personne à protéger est informée à travers un signal sonore, aucun décès n’est à signaler!» rétorque Yvan Perrin, en citant le rapport du Conseil fédéral. Dans son rapport, il est indiqué que «95% des personnes à protéger ont indiqué se sentir plus en sécurité et mieux protégées».

Pourquoi attendre

Dans la tentative de féminicide qui a vu un père de famille portugais surprendre sa conjointe à La Chaux-de-Fonds avec un couteau de cuisine, le mari jaloux n’a pas respecté les mesures d’éloignement. Pourquoi ne pas l’avoir équipée d’un bracelet lorsqu’une interdiction de périmètre lui a été signifiée? «Ce n’est pas un contrôle en continu. Un bracelet sert de vérification a posteriori pour vérifier les sorties d’un périmètre», a affirmé le procureur Pierre Aubert.

La société jurassienne «Geosatis» maîtrise la technologie.

La société jurassienne «Geosatis» maîtrise la technologie.

lematin.ch/Yvain Genevay

Réfugiée chez son fils aîné avec son fils cadet, l’épouse se sentait protégée par ses enfants majeurs, face à une tension accrue au sein du couple. À tort. Yvan Perrin est convaincu qu’un bracelet électronique posé sur une cheville ou sur un poignet aurait servi de paravent: «La victime alarmée aurait pu se barricader chez elle, avertir un voisin ou s’enfuir en voiture», dit-il.

Selon le procureur, une intervention policière prend généralement entre 10 et 15 minutes. Et chaque semaine dans le canton de Neuchâtel, «la police intervient entre cinq et sept fois pour des violences conjugales», selon Sami Hafsi, chef de la police judiciaire, selon qui «déterminer les cas à risque, c’est une gageure». De quoi abasourdir Yvan Perrin: «L’alarme peut retentir chez la personne menacée», insiste-t-il.

Punir durement

Sur la même longueur qu’Yvan Perrin, la conseillère nationale Céline Amaudruz (UDC/GE) déposera une motion pour faire appliquer le bracelet préventif réclamé en 2009 par son collègue. Obtiendra-t-elle une majorité en ralliant des élus de gauche? «Ce qui nous différencie, c’est que l’UDC veut punir durement les coupables alors que le PS leur cherche des circonstances atténuantes, surtout s’ils sont issus de l’immigration», analyse Yvan Perrin.

Pour Yvan Perrin et Céline Amaudruz, rien ne sert de qualifier un crime de féminicide si la peine encourue n’est pas durcie. La surveillance active au moyen d’un bracelet constitue à leurs yeux le meilleur moyen de déterminer les allées et venues d’un agresseur potentiel et de maintenir la distance entre un agresseur et sa victime.

Le drame des Roches-de-Moron a fait deux blessés graves.

Le drame des Roches-de-Moron a fait deux blessés graves.

lematin.ch/Vincent Donzé

Le drame des Roches-de-Moron fait écho à celui de Courfaivre (JU) survenu en 2019, qui a vu un fauconnier tuer son épouse et se donner la mort. Dans l’arc jurassien, la dernière tentative de féminicide s’est déroulée pas plus tard que vendredi dernier, à Courfaivre, lorsqu’un ressortissant français a attaqué son ex-conjointe à sa sortie du restaurant où elle travaillait.

«La justice ne peut pas mettre tout le monde en prison», a indiqué Sophie Aquilon à «Arcinfo». Comment évaluer la dangerosité d’un conjoint? «Je préfère un bracelet en trop sur un homme qui ne met pas ses menaces à exécution plutôt qu’un bracelet manquant sur un conjoint qui passe à l’acte», répond Yvan Perrin.

Solution nationale

L’introduction d’un bracelet électronique à titre préventif passe selon lui par une solution nationale, voire un concordat intercantonal. Sur la base de l’expérience espagnole, le Conseil fédéral valide une surveillance électronique par le biais d’un bracelet dans le cadre de violences domestiques, mais son application incombe aux cantons et la jurisprudence prendra du temps à s’établir.

«Un fabricant jurassien fournit des bracelets en Israël, pourquoi pas en Suisse?» s’interroge Yvan Perrin, pour qui «le meilleur soin à apporter à une victime, c’est de lui éviter d’en être une». Sa patience est à bout: «Que va-t-on décider en 2022? Va-t-on décréter l’urgence de réaliser une étude sur la question pendant que le compteur tourne!» dit-il.

Le bracelet électronique fabriqué au Noirmont (JU) par la société Geosatis est cité en exemple par Yvan Perrin. Cet anneau permet une localisation très précise par GPS. Ce bracelet est suffisamment intelligent pour signaler une agitation suspecte ou un changement d’habitude, par exemple un trajet en voiture qui rompt avec l’aller-retour menant de la maison au travail.

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