Amérique latine: Saoule d’inflation, l’Argentine votera sans illusion dimanche

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Amérique latineSaoule d’inflation, l’Argentine votera sans illusion dimanche

Désabusés par leurs politiciens, les Argentins se rendent aux urnes pour le premier tour de la présidentielle, sûrs de lendemains difficiles. Le candidat «antisystème» est en tête des sondages.

L’économiste ultralibéral Javier Milei veut dollariser l’économie argentine.

L’économiste ultralibéral Javier Milei veut dollariser l’économie argentine.

REUTERS

«Argentina tiene todo» (L’Argentine a tout), «País de mierda!» (pays de m…!): deux expressions récurrentes témoignent d’Argentins à la peine pour comprendre comment leur pays, troisième économie d’Amérique latine aux abondantes richesses naturelles, reste englué dans une inflation parmi les plus élevées au monde (138% sur un an), une pauvreté à 40% et un endettement colossal.

Javier Milei, un économiste ultralibéral, «dégagiste», qui veut «tronçonner» l’État et dollariser l’économie, Patricia Bullrich, une ex-ministre de droite qui promet une «main dure» contre «grévistes professionnels» et délinquance, et Sergio Massa, un ministre de l’Économie (centre gauche) qui jure que «le pire est (bientôt) passé», sont les principaux candidats du scrutin de dimanche, à l’image des Argentins. Indécis.

«Rien ne change, je crois que rien ne changera, aucun des candidats ne me donne de l’espoir», soupire Pedro Maidana, un retraité de 63 ans dans la gare de Retiro, à Buenos Aires.

Selon la tendance pondérée d’une trentaine de sondages, Milei arriverait en tête du premier tour, avec 35% des voix, voué à un second tour dans un mois avec Massa (30%). Bullrich, autour de 26%, est légèrement distancée. Deux candidats mineurs, Myriam Bregman (gauche radicale) et Juan Schiaretti (coalition centriste), ne dépassent pas quatre pour cent.

La gueule de bois après le titre mondial

L’ivresse démesurée (quatre millions de personnes dans les rues de Buenos Aires) du titre de championne du monde de football, en décembre, a laissé place à une durable gueule de bois. Quatre millions, c’est trois fois moins que le nombre d’Argentins en situation de pauvreté, avec un revenu moyen par foyer de 124’000 pesos (315 francs).Ils sont usés par une inflation qui dérape, une dépréciation sans fin de la devise nationale, passée en deux ans de 99 à 365 pesos pour un dollar au taux officiel – près du triple au taux parallèle de la rue.

«Ce qu’ont pu avoir nos parents, une maison… Ça paraît si loin pour nous. Cette génération recule sans cesse un peu plus par rapport à la précédente.»

Valentín Figarra, étudiant

«Dans toutes les strates, il y a une perte de revenu réel», diagnostique Leopoldo Tornarolli, du Centre d’études distributives, sociales et du travail de La Plata. «Ce qu’ont pu avoir nos parents, une maison… Ça paraît si loin pour nous», s’attriste Valentín Figarra, étudiant de 20 ans. «Cette génération recule sans cesse un peu plus par rapport à la précédente.»

Le visage de la colère

L’élection marque un tournant, avec la désaffection pour les deux grands blocs qui dominent la politique depuis vingt ans: une coalition péroniste (centre gauche), au pouvoir de 2003 à 2015, puis depuis 2019 avec le président sortant Alberto Fernández, et un bloc de centre droit qui gouverna de 2015 à 2019, avec Mauricio Macri.

La «bronca» (colère) a un visage: Javier Milei, économiste de 52 ans, surgi il y a deux ans des plateaux TV sur la scène politique, et qui a séduit un électorat plutôt jeune et à bas revenus, avec la promesse d’en finir avec la «caste politique parasite». «Qu’ils s’en aillent tous, qu’il n’en reste plus un!» a tonné, mercredi, le candidat en meeting de clôture, devant 15’000 sympathisants électrisés par une musique hard-rock, son style atypique et ses formules stridentes.

Premiers résultats dimanche soir

Quelle que soit l’issue du scrutin, les lendemains inquiètent les Argentins. La «dollarisation» prônée par Milei a été décriée dans un manifeste par 170 économistes de divers bords, comme un «mirage» au périlleux coût social et inflationniste. La continuité, avec Massa, n’augure pas d’échappatoire rapide à l’inflation, mais d’ajustements au mieux graduels, sous la pression du Fonds monétaire international (FMI). Et Bullrich, avec le libéral Macri dans son ombre, évoque le souvenir d’une autre crise en 2018-2019, quand le pays dut contracter, auprès du FMI, un colossal prêt de 44 milliards de dollars, qu’il peine à ce jour à rembourser.

Pour être élu dès le premier tour, le candidat arrivé en tête doit recueillir 45% des voix, ou 40% avec 10% d’avance sur le deuxième. Les premiers résultats sont attendus dimanche après 21h, heure locale (2h lundi en Suisse).

(AFP)

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