Attentat de Nice: Les éléments de preuve «font défaut», selon certains avocats

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Attentat de NiceLes éléments de preuve «font défaut», selon certains avocats

Jeudi, deux avocats des accusés de l’attentat de Nice ont affirmé que les dossiers contre leurs clients étaient bien maigres, alors que le parquet a requis quinze ans contre un des suspects.

Le verdict est attendu pour le 13 décembre.

Le verdict est attendu pour le 13 décembre.

AFP

Au procès de l’attentat de Nice, les avocats de deux des principaux accusés ont fustigé jeudi la «pauvreté» des preuves contre leurs clients, affirmant qu’ils avaient été pris malgré eux dans la «toile d’araignée macabre» de l’auteur de la tuerie du 14 juillet 2016. «La question de la culpabilité de Mohamed G. ne repose pas sur des éléments matériels accablants, mais sur des poussières de culpabilité, des éléments vaporeux, réversibles, discutables», a plaidé William Bourdon.

«Vous ne pourrez qu’acquitter Mohamed G.», renchérit son deuxième avocat, Vincent Brengarth, balayant les faits reprochés au Franco-Tunisien de 46 ans, originaire de la même ville que Mohamed L.-B.

Réquisition «écrasante»

Ce Niçois de nationalité tunisienne, qui a tué 86 personnes au volant d’un camion-bélier sur la Promenade des Anglais avant d’être abattu par la police, est le grand absent du procès qui se tient depuis trois mois devant la cour d’assises spéciale de Paris.

Mardi, le parquet national anti-terroriste (Pnat) a requis quinze ans d’emprisonnement contre Mohamed G. pour association de malfaiteurs terroriste, le présentant comme «une des personnes les plus proches» du tueur, qui avait «connaissance de sa radicalisation» et été «associé à la location du camion» utilisé pour l’attentat. Une réquisition «écrasante» au prix d’un raisonnement grevé par de «graves défaillances» et négligeant «bon nombre d’éléments factuels», selon ses avocats.

«Maladresses»

Certes, concèdent-ils, Mohamed G., qui comparaît libre après trois ans de détention provisoire, a multiplié les «contradictions» à l’audience par «peur» ou «honte» de reconnaître des liens d’amitié avec «l’incarnation du mal absolu». Mais «la culpabilité de cet homme ne doit pas (…) résulter de l’addition de ses maladresses», juge Me Bourdon.

«Aucune espèce d’entente n’a pu être établie» entre les deux hommes ou avec les autres accusés, estime Me Brengarth en rappelant que l’implication supposée de l’accusé dans la recherche du camion tient à un texto reçu stipulant «vers ADA», du nom d’une agence de location. «Trois lettres viendraient signer la matérialité d’un acte préparatoire? Ça ne tient pas», tranche-t-il.

Pour les deux avocats, Mohamed G. n’a à aucun moment eu l’intuition d’un passage à l’acte de Mohamed L.-B. «On ne peut pas lui faire le grief de ne pas avoir eu des vertus divinatoires», lance Me Bourdon, rappelant qu’un policier antiterroriste a convenu à l’audience que les «signaux faibles» de radicalisation sont souvent compris après le passage à l’acte. Quant aux photos opportunément retrouvées au domicile du tueur, avec une liste de contacts de proches des accusés, «il y a toute une conjonction d’éléments qui laissent penser qu’il a voulu mettre son entourage dans la mouise», estime Me Brengarth.

«Trafiquant, pas terroriste»

De même, l’avocat attribue à la «perversité» du chauffeur du camion le SMS retrouvé dans son téléphone non verrouillé, évoquant un nouvel acte violent prévu «le mois prochain»: «un message inédit dans des dossiers» terroristes, généralement marqués par la dissimulation des auteurs. «Pour moi, la seule piste qui tienne par rapport à ce message, (c’est) le complot», le rejoint Adélaïde Jacquin, avocate de Ramzi A., également accusé d’«association de malfaiteurs terroriste».

Ce Niçois de 27 ans, en détention depuis plus de six ans, reconnaît avoir fourni un pistolet au tueur, mais nie avoir été «proche» et avoir eu connaissance de ses projets. «Je suis un petit trafiquant, pas un terroriste», a-t-il répété. Ce point a été reconnu mardi par le Pnat, qui a réclamé quinze ans à son encontre, mais demandé à la cour d’abandonner la qualification terroriste, estimant qu’il ignorait effectivement la radicalisation de l’auteur.

Au-delà, «je ne la vois pas, l’association de malfaiteurs», même de droit commun, insiste Me Jacquin. «Rien au dossier» ne démontre qu’il ait été question d’armes supplémentaires, «il n’est pas associé à la recherche du camion» et «on n’a pas de relations» entre Ramzi A. et ses coaccusés, égrène-t-elle. «L’horreur des crimes du 14 juillet (…) ne doit pas vous conduire à le condamner lourdement pour apaiser les cœurs», lance l’avocate. Le verdict est attendu mardi.

(AFP)

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