Météo extrêmeLa Méditerranée est frappée par une «canicule océanique»
Une vague de chaleur frappe la mer Méditerranée occidentale, ce qui a des conséquences sur les écosystèmes marins.
La mer Méditerranée est «anormalement chaude» pour la fin d'un mois de juillet, avec une température de surface de plus de 30°C au large de la Corse, c'est-à-dire «entre 4 et 6°C au-dessus des normales de saison», a tweeté Météo-France, qui parle de «canicule océanique». Le pic observé cet été a été de 6,5°C au-dessus de la normale, au large de Marseille.
Ce phénomène, rare, a des impacts sur les écosystèmes marins et est observé grâce à des satellites dédiés. «Au cours des dernières décennies, on note une augmentation de la durée, de l’extension spatiale et de l’intensité des canicules océaniques de surface en Méditerranée», relève encore Météo-France.
Le phénomène a commencé au printemps avec des températures «exceptionnelles», supérieures de «4 à 5 degrés» aux normales en Méditerranée occidentale, selon des experts de l’évolution climatique de cette mer. «Cette grande vague de chaleur marine a démarré fin mai en mer Ligure», dans le nord-ouest de l’Italie, puis s’est poursuivie «en juin dans le golfe de Tarente», dans le sud-est du pays, a indiqué Karina Von Schuckmann, océanographe allemande auprès de Mercator Océan International, qui pilote le service européen de surveillance des océans, le Copernicus Marine Service (CMEMS).
Risques pour l'environnement
En juillet, «de la Mer des Baléares (Espagne) à la Sardaigne (Italie), ainsi qu’à l’est de la Corse et sur l’ensemble de la Mer Tyrrhénienne (comprise entre la Sicile et la Corse), on observe en surface des valeurs exceptionnelles de températures comprises entre 28 et 30 degrés Celsius» qui sont «supérieures à la normale, de l’ordre de +4 à +5°C», a ajouté l’organisation.
Si pour les baigneurs ces températures peuvent paraître agréables, elles inquiètent les scientifiques et défenseurs de l’environnement. Cette canicule marine peut en effet modifier profondément la faune et la flore, entraînant «des migrations d’espèces» vers des eaux moins chaudes, une possible «mortalité en masse d’espèces» ou une «diminution» de certaines et «l’apparition de nouvelles», relève celle qui est aussi l’une des auteurs des rapports du Groupe des experts de l’ONU sur le climat (GIEC).
«En Méditerranée, suite aux épisodes de canicules océaniques de 1999, 2003 et 2006, on a observé de nombreux cas de mortalité massive d’espèces, telles les gorgones (parfois appelées coraux écorce) ou les posidonies», indique un rapport du Centre national français de la recherche scientifique (CNRS) publié en octobre 2020.
Vagues de chaleur plus fréquentes
Les effets de cette «canicule marine sont en cours d’étude mais on peut prévoir un impact principal sur les organismes fixés comme les gorgones et le corail rouge» avec une mortalité «totale ou partielle», a précisé Charles-François Boudouresque, spécialiste en écologie marine. Des poissons comme la très colorée «girelle paon ou le barracuda, qui ont commencé à remonter du sud de la Méditerranée vers le nord, risquent aussi d’être plus abondants» en Méditerranée occidentale.
«Des espèces provenant de Mer Rouge, entrées en Méditerranée orientale par le canal de Suez» se rapprochent aussi des côtes françaises, deux cas pouvant «poser problème dans cinq à dix ans»: le poisson-lapin, «un herbivore extraordinairement vorace qui risque de court-circuiter les chaînes alimentaires normales» et la méduse géante Rhopilema, qui provoque des piqûres graves nécessitant hospitalisation et la fermeture des plages quand elle est présente, souligne Charles-François Boudouresque.
Ces vagues de chaleur marine ont déjà «doublé en fréquence depuis les années 1980», selon le rapport du GIEC publié en août 2021. Entre 2015 et 2019, «la Méditerranée a connu cinq années consécutives de mortalité de masse d’espèces» du fait de ces vagues de chaleur marine, souligne également un article de la revue scientifique Global Change Biology publié le 18 juillet.