FootballÀ cette vitesse, Servette ne peut rien cacher
L’éclair de Dereck Kutesa ne pouvait apparaître plus nettement qu’en fendant le jeu plutôt lent des Genevois. Défaut ou qualité, ça a suffi pour prendre un point contre Lucerne.

Au milieu d’un wagon d’interprétations possibles, le ressenti disait une chose: Servette a joué lentement dimanche (1-1 contre Lucerne). Non que ce soit particulièrement inhabituel. Ni qu’il faille voir ça comme un défaut qui condamne les Genevois à se faire marcher dessus. Alors, sans même être lancé sur la question, Alain Geiger s’est empressé de poser des mots sur ce sentiment. «C’est la première fois cette saison qu’on se cherche pareillement au niveau de notre spontanéité.» La remarque est précise, tranchante. Il a aussi été question d’un déchet trop important, de joueurs nommés directement (la première mi-temps de Nicolas Vouilloz) et de difficultés à combiner.
Le fait est que, lorsqu’un match se déroule à cette allure-ci, tout se voit. La belle inspiration de Dereck Kutesa sur le 1-0 pour le positif. Le retard de Moussa Diallo sur l’égalisation pour le négatif. Entre autres exemples. Chaque match des Grenat ne se vaut pas, mais on y retrouve une certaine constance de la lenteur. Qui passe facilement au second plan lorsque les résultats s’enchaînent, mais qui se veut plus dérangeante lorsqu’il n’y a pas ou que peu de points au bout du compte, comme ces deux derniers week-ends.
Les trois enseignements
L’intuition d’offrir à Dereck Kutesa sa première titularisation de la saison était sans doute la bonne. À ce Servette très en difficulté pendant une heure pour produire du jeu offensif, et déjà aperçu plus d’une fois cette saison, l’ailier offre une dimension supplémentaire bienvenue. Peut-être que les Grenat auraient gagné en occupation du camp adverse avec Patrick Pflücke sur l’aile gauche, mais pas sûr que l’Allemand aurait vraiment pu dynamiser tout un secteur offensif. Ce n’est pas non plus ce qu’a fait Kutesa. Par contre, c’est pile dans le registre où on attend qu’il s’illustre qu’il a offert le 1-0 à son équipe. Un 1 contre 1 remporté sur le côté, puis une conclusion au millimètre.
Servette n’a pas encore trouvé l’équilibre qui lui veut du bien. Face à Lucerne, il a passé une heure à créer très peu et à offrir encore moins à un adversaire sans solution. Puis une demi-heure à s’ouvrir et à pousser le curseur de la prise de risque. Avec de vraies belles chances de passer l’épaule à la clé, mais aussi de grosses frayeurs. Cela peut rassurer quant au spectacle à venir: les Grenat ne sont pas coincés en première vitesse. Mais fait naître des interrogations quant à la bonne approche à adopter.
Le problème aura passé inaperçu. Parce qu’en plus d’être un très bon arbitre de notre championnat, Fedayi San a eu un peu de chance dimanche. Si ce n’est peut-être cette main de David Douline dans sa surface en première mi-temps, finalement non sanctionnée, la partie a donné lieu à très peu de situations litigieuses. Sinon? Sinon le public du Stade de Genève aurait fini par se rendre compte que l’écran de la VAR au bord du terrain ne fonctionnait pas. Rendant impossible pour M. San le visionnage d’une scène trouble. La communication avec le camion de la VAR ayant été assurée, tout cela avait de toute façon valeur de détail.
L’action providentielle

Il ne faut rien enlever à l’ouverture du score de Dereck Kutesa, magnifique dans sa conclusion et de par son opportunisme. Il est néanmoins permis de constater que les Servettiens, en l’espace de neuf secondes, ont bénéficié d’une certaine succession d’éléments concordant. Un dégagement parfait de Jérémy Frick (entre mille qualités, le gardien grenat n’est pas réputé pour la propreté de son jeu au pied), une mauvaise anticipation de Nicky Beloko (c’est rare), une sorte de duel dans les airs perdu par le même Beloko, puis un duel au sol également à la défaveur de l’ancien Xamaxien (c’est encore plus rare), avant que Dereck Kutesa ne loge le ballon dans le trou de souris entre la main gauche de Marius Müller et son poteau gauche. Voilà un bon exemple de réussite provoquée.
Le geste non prémonitoire
Excellent devant le but lucernois depuis plusieurs semaines (à peu près depuis sa sortie homophobe, en fait…), Marius Müller s’est fendu d’un dégagement sous pression assez spectaculaire, en coup de foulard, après quelques minutes à la Praille. La galerie a apprécié. Sauf que le dernier rempart de Suisse centrale n’était pas si facile et royal que ça. Il a passé le reste de la rencontre à manquer à peu près toutes ses relances au pied.
La citation

«Je suis juste allé où il y avait du monde. La tribune derrière le but était vide, alors j’ai couru un peu plus loin.»
La crainte

Yoan Severin a quitté la pelouse sur une civière. Pas pour ce genou droit qui a fini dans un angle étonnant, mais pour une entorse de cheville qui demandera des examens complémentaires. «Il est très important pour nous. Depuis la reprise, il est irréprochable», a souligné Alain Geiger.
La question boomerang
Au programme du FC Lucerne le week-end prochain, il y a un match prévu face au FC Sion. Il n’en fallait pas plus à un reporter suisse-allemand pour demander à la pépite de Suisse centrale, Ardon Jashari, ce qu’éveillait en lui l’idée d’affronter Mario Balotelli. Évidemment, le jeune homme a répondu avec beaucoup d’élégance qu’il s’en réjouissait. Au rythme auquel il brûle les étapes, il ne devrait pas falloir trop de printemps avant que la question posée aux footballeurs en zone mixte soit: «Vous vous apprêtez à affronter Ardon Jashari, qu’est-ce que ça vous fait?»
